Du béton à l’écoconstruction, la remise en question de Maxime.

Aujourd’hui, nous partons avec Maxime dans sa quête de sens dans son milieu professionnel, celui de la construction. Un parcours rempli de prise de conscience, d’apprentissage et de multiples doutes. Mais au fond, n’est ce pas là les phases nécessaires à la construction de son propre avenir ?

Pourrais-tu nous en dire plus sur ton domaine d’étude ?

J’ai suivi le cursus type pour l’école d’ingénieur : classe préparatoire, orientée physique/technologie, entrée sur concours ; puis le cursus type de l’ENSAM à savoir 2 ans de tronc commun très généraliste avec une forte connotation industrielle, puis 1 an de spécialisation en énergies renouvelables.

J’ai prolongé mes sessions de stage en entreprise de 6 mois pour une meilleure immersion dans le milieu de l’entreprise.

Comment ont été tes débuts dans le monde professionnel ? Est ce que tu peux me donner tes retours qu’ils soient positifs ou négatifs par rapport à ces premiers boulots …

J’ai eu des débuts assez laborieux, pour faire ma place.

Je voulais m’orienter vers le bâtiment durable, mêler les concepts d’énergie renouvelable et de la construction. J’ai pris la voie de la construction via mes stages, dont mon stage de fin d’étude, qui marque le vrai départ en milieu professionnel, en conduite de travaux dans un grand groupe en France… 

Pour eux, le stagiaire en conduite de travaux, c’est celui qui s’occupe de toutes les merdes que personne ne veut traiter, celles où tout le monde gueule car tout le monde y perd (argent, fierté, ego …). Comme je suis plutôt empathique et que je préfère la coopération plutôt que taper du poing sur la table pour forcer l’autre à mon opinion, mon tuteur m’a confié que ce n’était « pas un métier pour moi ».

J’ai persévéré en me disant qu’il devait sûrement y avoir un autre visage de la construction, d’où un premier job en bureau d’architecte en Suisse, toujours en conduite de travaux. Une bien meilleure expérience, plus de coopération et d’entraide pour la réussite du projet plutôt que celle de son entreprise individuellement ; également plus d’humanité au sein de l’entreprise, une réelle notion d’apprentissage, et une organisation plus intéressante et  assez peu pyramidale. J’ai vite acquis un bagage de compétences et d’expérience, permettant de se faire entendre par compétence plutôt que par l’agressivité (ça, c’est pour le tuteur de stage d’avant !).

«Travailler pour une esthétique, une qualité d’exécution et la satisfaction du client me plaisait aussi, plus qu’une recherche de résultat financier pour mon entreprise »

Cependant, il y avait encore une certaine mise sous pression malsaine venant de gros clients, impactant jusqu’aux relations avec les entreprises et leurs employés, des personnes que tu vois tous les jours, avec qui tu partages une partie de ton quotidien.

D’autre part, une orientation de l’entreprise très construction contemporaine : béton, acier, laine de roche, résines, polystyrène, polyuréthane, etc. En déphasage même avec la sensibilité de nombreux architectes du bureau, intéressés par le bois, la terre crue, la paille et autres.

Et deux raisons simples qui expliquent ce décalage : primo, une orientation architecturale menée par les architectes associés et un pouvoir sur les projets encore très vertical, secondo un pouvoir de décision détenu par la maîtrise d’ouvrage, c’est-à-dire le client. Bref, j’étais loin de mon idéal de construction durable …

3e expérience finalement en maîtrise d’ouvrage, et en me disant qu’enfin j’aurai mon mot à dire et pourrais orienter un projet vers une construction raisonnée et en phase avec les problématiques environnementales actuelles. C’était sans compter les intérêts du groupe industriel pour lequel je travaillais, les politiques instaurées par ses dirigeants, les contraintes imposées par ses assureurs, etc. Résultat : la construction d’une halle industrielle, 80% métal, 20% béton, sans aucune réflexion sur son impact (terrain, ressources, carbone).

« J’ai principalement travaillé pour des grands groupes, un grand bureau d’architecte. Toujours en ayant comme finalité d’aspirer à une construction belle, propre, saine, inspirante, chose que je n’ai pas même approchée. »

La raison pour ces choix passés ? Je pense que cela me vient en partie du spectre qui nous a été présenté pendant toute ma scolarité : les grandes entreprises sont fortes, ce sont elles qui poussent l’innovation et le changement, qui paient bien. Ce sont aussi elles qui s’affichent, font de la communication sur de grands projets (éco-quartiers …), qui participent aux forums étudiants, qui embauchent la majorité des anciens élèves qui nous parlent ensuite du monde de l’entreprise …

Ma plus grande désillusion ? L’idée que ces grands projets relèvent plus du greenwashing et de la communication que de volontés de changement.

L’idée que dans ces groupes puissants, le mur à franchir est systémique et ne dépend plus des individus. Je dois soit changer d’échelle, soit sortir de ce système afin de construire autrement. 

Ma seconde plus grande déception était de m’apercevoir que mon avenir dans les grandes entreprises serait de manager des personnes, soit décupler le temps de sédentarité, de traitement de mails creux et de réunions.

Ce n’est pas pour ça que j’ai fait tous ces efforts, et je ne conçois finalement pas mon travail sans dynamisme, sans matière et sans éveil. 

Qu’est ce qui t’as fait prendre une pause dans ce monde du salariat ?

J’en suis aujourd’hui à ma deuxième pause.

La première était liée à un déménagement, dont j’ai tiré profit pour un peu de remise en question. J’étais surtout perturbé par la perte de sens de mon activité, trop sédentaire, et recherchais une mutation pour un métier plus polyvalent et avec plus de contact humain (des vrais humains, pas des hauts managers, des assureurs ou des contrôleurs de gestion …). Je me suis posé la question d’une reconversion profonde pour l’ouverture d’une salle d’escalade, attiré par l’envie d’apporter un peu de plaisir à autrui via mon activité et de partager une passion, j’y trouvais du sens. J’y voyais aussi la possibilité de gagner ma vie autrement que par la production matérielle et la consommation de ressources. Je me suis aussi beaucoup renseigné sur les problématiques environnementales actuelles, que sont-elles devenues depuis mes études, j’ai alors creusé et découvert de nombreux domaines : écologie, agriculture, économie, finance, sociologie, impacts carbones, biodiversité, collapsologie, psychologie, résilience.

Jusqu’à me demander : qu’estce qu’apporte une salle d’escalade à tout ça ?… Suivi donc de gros doutes…

J’ai ensuite repris un job, 3e expérience évoquée précédemment, dans lequel je voyais l’occasion de me rapprocher de mon idéal de construction durable : le bâtiment à construire doit être représentatif de la volonté du client à s’orienter vers une industrie verte et vertueuse, et je représente ce client, donc l’organe qui prend les décisions du projet de construction. J’avais aussi besoin de finances… 

Désillusion, mais qui m’a permis de mieux comprendre comment fonctionne notre système et pourquoi il ne relève pas le défi climatique qui se présente, pour la construction en tout cas. Qui m’a aussi permis de prendre du recul et apporter quelques réponses à des questions qui n’en trouvaient plus telles que:

Comment intégrer toutes les problématiques dont je suis conscient à mon activité professionnelle, quelle qu’elle soit ? Qu’est-ce que je suis capable de faire, avec mes compétences et mon caractère ? Qu’est-ce que je veux faire ?

Cette désillusion m’a enfin permis de commencer petit à petit de changer de vie (réduction des déchets, du besoin de mobilité, de consommer, changer de cap), induisant d’autant plus un besoin de changement de profession par cohérence avec ma vie privée.

As-tu eu des moments de doute avant de prendre cette décision ?

Oui beaucoup, lors des deux interruptions et encore aujourd’hui. Je pense que c’est normal lorsqu’on avance vers l’inconnu et hors de sa zone de confort. Le doute est sûrement le premier frein, avec la question de la confiance en soi, en plus des problématiques de stabilité financière, chose qui me touche moins grâce aux allocations chômage heureusement.

« Ce qui marche pour moi pour oublier ces doutes, c’est de commencer à faire, avancer suffisamment pour entrer dans l’action, dans le concret. L’enthousiasme prend alors le dessus. »

As-tu eu envie de lancer certains projets après avoir quitté plusieurs fois le salariat Qu’est-ce qu’il te manquait ?

Il y a eu l’idée de la salle d’escalade d’abord. Ce qu’il me manquait et me manque toujours je pense, c’est la question de la légitimité, que je trouverais certainement avec l’appui et l’enthousiasme d’un local pour porter le projet, occasion qui ne s’est jamais présentée. Outre le mur de l’investissement qui est un autre problème, une peur, qui pourrait devenir secondaire avec de l’enthousiasme, de la motivation, et une grosse recherche de fonds …

Concernant mon projet actuel de reprendre une formation longue (quasi 1 an) pour me spécialiser dans l’écoconstruction, la rénovation énergétique de l’ancien et la mise en œuvre de matériaux biosourcés pour la construction (biosourcés = issus du vivant et/donc renouvelables), il me manquait surtout l’assurance qu’il était raisonnable de financer des études seulement 5 ans après un bac+5 pour aller rapidement vers ce qui fait sens pour moi. J’ai obtenu cette assurance grâce à des services d’accompagnement comme l’APEC. Il s’agit d’un service public d’aide et conseil à l’évolution professionnelle des cadres. Un service qu’on connaît peu et pour lequel on cotise pourtant. Des contacts avec quelques entreprises m’ont également montré que ma démarche était cohérente et pas isolée.

Et du coup maintenant l’écoconstruction ? Comment t’es venu cette envie de te former dans ce domaine ?

Je pense que j’ai toujours un peu eu ça en tête.

«En école d’ingé et en prenant la direction de la construction, je rêvais plus de faire des cabanes dans les arbres à énergie positive que d’une carrière chez des Bouygues ou Vinci»

Puis je pense que cela fait partie d’un tout. D’une conscience que notre monde doit changer et de la profondeur des changements à entreprendre, et d’une envie de prendre part à mon niveau. Je ne suis pas bon pour rassembler, travailler en réseau et mener des actions, mais j’ai des compétences à mettre à profit, d’autres à acquérir, et si je peux faciliter et accélérer des transitions sur un territoire ça fait déjà sens.

Quelles sont tes envies après avoir réalisé ta formation en écoconstruction ? Parle-moi de ta vision un peu plus long terme et du sens que ça donne pour toi.

Mon envie post formation est de travailler comme AMO ++ (assistance à maîtrise d’ouvrage, ouvrant ensuite sur d’autres missions) pour des particuliers souhaitant rénover des bâtiments anciens, pour une famille ou plus.

Ce serait donc :

  • travailler avec des personnes qui ont un projet de vie plutôt qu’un désir de production financière
  • les conseiller sur tous les choix et démarches amont à la mise en place du projet
  • les représenter face aux maîtres d’œuvres et entreprises, protéger s’il y a lieu.
  • si possible être le maître d’œuvre afin d’orienter la conception, les études et les entreprises vers une construction la moins impactante possible (carbone, énergie, sanitaire, ressources …)
  • éventuellement accompagner les propriétaires sur l’auto-rénovation ou auto-construction en transmettant des savoirs faire. L’auto-construction, c’est construire soit même, en profitant de l’expérience des entreprises et artisans mais en sollicitant un minimum de main d’œuvre professionnelle.

Ce qui y fait sens pour moi serait de prouver qu’on peut réaliser des constructions et des rénovations performantes et économiques avec des matériaux naturels et renouvelables, et de diffuser cette solution au plus grand nombre via l’auto-construction, qui devient très économique et permet de se partager les professionnels sur un plus grand nombre de projets. Cela permet d’autre part aux propriétaires de se réapproprier leur lieu de vie en y contribuant.

Le second sens que j’y trouve est de réorganiser les temps de travail entre le travail intellectuel et le travail de la main, qui se complètent, et de réduire globalement le temps de « travail » afin de travailler pour soi : faire au lieu de consommer, qui demande plus de temps, moins de revenus, et modifie notre rapport au travail.

Chantier participatif avec utilisation de matériaux biosourcés
Quels seraient tes conseils à donner aux jeunes ou aux personnes en reconversion qui se posent beaucoup de questions sur comment contribuer ?

C’est une question difficile car je ne suis moi-même pas un modèle de contribution du tout, et suis même assez largué dès qu’un collectif s’organise via réseaux sociaux ce qui est devenu la norme. Mais je pense que se rapprocher de ces réseaux-là peut être très inspirant.

Ensuite je vois deux leviers pour se mettre en action :

  • prendre conscience des problèmes, lire les rapports du GIEC, de WWF sur la biodiversité. Un site très bien fait aussi afin de se rendre compte des efforts à effectuer collectivement pour limiter les dégâts : http://mission-climat.io/
  • rechercher la cohérence, se dégager de tout ce qui va en contre-sens de ses valeurs, pouvant entraîner dissonance cognitive et perte de sens, au maximum en tout cas. S’il n’y a plus de sens, il n’y a plus d’envie de faire des efforts.
Une personne/un livre qui t’a bien inspiré ?

Oui plein. Je peux volontiers recommander quelques bouquins qui motivent.

Les éditions de La Relève et la Peste, particulièrement l’essai Zéro Déchets qui aborde très clairement le besoin de cohérence pour toute démarche de transition. L’entraide, l’autre loi de la Jungle qui donne un peu d’espoir en l’avenir, et par extension des chaînes comme Partager c’est sympa qui donnent aussi espoir et motivation via un support plus accessible.

Et pour faire le clair sur notre rapport à la technique et sa place dans la transition, les conférences de JM Jancovici, particulièrement le cours des Mines de Paris pour les plus patients (16h de cours je crois, libre d’accès sur Youtube et fait un tour d’horizon sur l’ensemble des sujets liés à l’énergie et au carbone).

Il y aurait beaucoup de choses mais ça me paraît être des bases importantes.

Aurais-tu quelque chose d’autre à ajouter ?

Oui peut-être. Je dirais qu’on n’est pas obligés de suivre la trace de nos parents.

« On n’est pas obligé de faire de grandes carrières comme nous l’ont suggéré nos études. »

On n’a pas besoin de hauts revenus et de vie de luxure. On n’a pas besoin de prendre l’avion pour aller chercher l’aventure. Pas même besoin de traverser la France. On n’a pas besoin de regarder les vidéos en HD. On n’a pas besoin de 60m2 chacun avec un parking couvert. On a juste besoin de bien vivre et se reconnecter aux autres et notre nature (ça faisait quand même 12’000 ans qu’on vivait avec, donc ça doit laisser un vide de s’en couper !). Et pour tout ça on ne doit pas revenir en arrière mais se réinventer.

Par exemple dans mon cas, bien personnel, savoir rénover l’ancien avec des matériaux traditionnels et/ou naturels, mais aussi avec des méthodes et organisations modernes pour un confort moderne.

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